mardi 13 avril 2010

Bob Dylan Sur France Culture

Bob Dylan énerve et émerveille. Ses chansons ont croisé la vie de chacun d’entre nous. Et même son histoire, il nous semble la connaître par cœur, les rages du folk à la guitare sèche, la romance avec Joan Baez, et le passage à la guitare électrique, l’influence qu’il prend sur les Beatles, Jimi Hendrix et tant d’autres. En même temps, on s’y perd un peu. L’accident de moto, il a eu lieu, ou pas ? Et la drogue, un fait d’époque, ou déjà un miroir de la nôtre ? Et cette étonnante longévité, avec conversion brève au catholicisme, ses dix-sept maisons, les disques de pur génie et ceux qui s’encroûtent.





Une histoire paradoxalement encore largement vierge. Oui, c’est notre époque, ses démons, que nous lisons quand ces gamins de vingt ans, équipés de guitare, se propulsent au cœur des mouvements noirs de 1963, la crise des missiles de Cuba, l’assassinat de John Kennedy. Et c’est Dylan lui-même qui souvent a faussé les pistes : dans ses étonnantes Chroniques, parle-t-il enfin sans mensonge ?


Ce qui n’a pas été assez fait, c’est de suivre l’invention même des chansons : à quel univers de métaphores, à quelles techniques narratives elles empruntent, depuis leur originelle filiation à Woody Guthrie. Sa relation avec Allen Ginsberg est une des clés trop souvent minorées. C’est par lui qu’il accède à Rimbaud, qui lui donne sa grammaire.


Bob Dylan, dès ses 25 ans, confronté à un déni artistique aussi exagéré et planétaire que le statut accordé pendant deux ans au chanteur protestataire qu’il ne voulait pas se contenter d’être, a appris à taire ses secrets. En le suivant sur ses routes de vie, sur ses chemins d’écriture, on ne veut pas lever ce secret, mais comprendre par quoi il nous importe.

Ce faisant, dans l’immense profusion de l’œuvre, on est amené à retraverser ces mélodies qui agrippent, aigres comme son harmonica, à découvrir des versions rares, et en retrouver le contexte. Enigme de toucher à l’universel pendant une phase si brève de sa vie et produire ces hymnes aujourd’hui encore inusables, et sans cesse avoir à réinterroger, pour soi-même et continuer, ce mystère.


François Bon

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